Fantômes

Les fantômes n'existent pas… séparément. Ils n'ont pas d'autonomie, de libre arbitre, d'intentions, de destin. Les fantômes existent au cœur du transit de nos synapses, ils sont en nous, créés en permanence en notre esprit, ils sont parfois insistants et nombreux. Les fantômes sont exclusivement des souvenirs que nous arrangeons à notre façon pour enjoliver ou dégrader le passé, ou pour corrompre la quiétude du présent en les arrachant à leur silence. Les pires à supporter sont ceux des vivants car il en existe aussi.

Au quotidien, j'ai souvenance des joies et des souffrances miennes, de celles d'autrui parfois que j'ai gâchées, de moments neutres aussi d'un passé riche en chocs, mais sans doute le plus redoutable est d'être confronté à la dégradation naturelle d'un humain que vous avez aimé, que vous ne reconnaissez plus. La douleur s'insinue en vous si profondément que vous ne pouvez plus la localiser pour la combattre. Il faut alors changer de fantôme en chassant de l'écran l'image qui s'est définitivement imprimée dans votre mémoire et que vous ne supportez pas. "Les amours, les emmerdes" disait Charles Aznavour ; il vaut souvent mieux qu'elles ne remontent pas. Alors on commente de la politique, des catastrophes, des tueries, des guerres, n'importe quoi pour oublier la Lolita blonde qui vous intimidait jusqu'à vous ôter la parole, en redoutant qu'elle soit devenu aujourd'hui une vieille mégère acariâtre tanée par les soucis de la vie. Encore si elle était morte, la triste évolution serait stoppée et l'image figée avant de devenir insoutenable.


À Sylvie,

Âme ou sœur Jumeau ou frère De rien mais qui es-tu Tu es mon plus grand mystère Mon seul lien contigu Tu m'enrubannes et m'embryonnes Et tu me gardes à vue Tu es le seul animal de mon arche perdue Tu ne parles qu'une langue aucun mot déçu Celle qui fait de toi mon autre L’être reconnu Il n'y a rien à comprendre Et que passe l'intrus Qui n'en pourra rien attendre Car je suis seule à les entendre Les silences et quand j'en tremble Toi, tu es mon autre La force de ma foi Ma faiblesse et ma loi Mon insolence et mon droit Moi, je suis ton autre Si nous n'étions pas d'ici Nous serions l'infini Et si l'un de nous deux tombe L'arbre de nos vies Nous gardera loin de l'ombre Entre ciel et fruit Mais jamais trop loin de l'autre Nous serions maudits Tu seras ma dernière seconde Car je suis seule à les entendre Les silences et quand j'en tremble Toi, tu es mon autre La force de ma foi Ma faiblesse et ma loi Mon insolence et mon droit Moi, je suis ton autre Si nous n'étions pas d'ici Nous serions l'infini

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